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Chronique – Alain Damasio – La Horde du Contrevent

Auteur : Alain Damasio

Editeur : La Volte
Collection : /
Parution : 2004
Pages : 548
Résumé de l’éditeur : Imaginez une Terre poncée, avec en son centre une bande de cinq mille kilomètres de large et sur ses franges un miroir de glace à peine rayable, inhabité. Imaginez qu’un vent féroce en rince la surface. Que les villages qui s’y sont accrochés, avec leurs maisons en goutte d’eau, les chars à voile qui la strient, les airpailleurs debout en plein flot, tous résistent. Imaginez qu’en Extrême-Aval ait été formé un bloc d’élite d’une vingtaine d’enfants aptes à remonter au cran, rafale en gueules, leur vie durant, le vent jusqu’à sa source, à ce jour jamais atteinte : l’Extrême-Amont. Mon nom est Sov Strochnis, scribe. Mon nom est Caracole le troubadour et Oroshi Melicerte, aéromaître. Je m’appelle aussi Golgoth, traceur de la Horde, Arval l’éclaireur et parfois même Larco lorsque je braconne l’azur à la cage volante. Ensemble, nous formons la Horde du Contrevent. Il en a existé trente-trois en huit siècles, toutes infructueuses. Je vous parle au nom de la trente-quatrième : sans doute l’ultime.

Mon avis :  J’avais cette oeuvre dans ma PAL depuis un moment, et c’est une lecture commune sur le forum d’écriture où je suis, Mot à mot, qui m’a incitée à l’entamer. Quelle bonne idée !

Tout d’abord, il faut savoir que le nombre de pages va dans le sens inverse, en commençant par la page 521 (ou aux alentours de 700 pour l’édition de poche). C’est un détail qui a son importance ! L’intrigue va crescendo. Lorsque l’histoire commence, nos personnages en sont à leur dernier tiers de contre pour atteindre l’extrême-amont. Pour la plupart, cela fait trente ans qu’ils sont ensemble. Les premiers chapitres se concentrent donc à nous les présenter puis interviennent les Fréoles, sur leur bateau, eux qui manient le vent comme s’ils étaient égaux à lui. C’est là que l’on apprend que la Horde que l’on suit, leur mission de parvenir en Extrême-Amont, a des implications politiques profondes. Et c’est là, en apprenant que ces personnages étaient presque démodés, que j’ai commencé à les aimer. Parce que le pire commence pour eux.

Les personnages sont très approfondis. En fait, le roman est constitué en chapitres, lesquels sont divisés en scènes. Devant chaque scène, un symbole : il s’agit du symbole du personnage qui va parler en tant que narrateur. Déjà, d’une, l’auteur est capable d’adopter des façons de “parler” complètement différentes suivant les personnages. Ensuite, il réussit l’exploit d’en faire des êtres particuliers… Tout en les intégrant à quelque chose de plus grand, la Horde. On sent le particulier et le général. On sent le lien qui les unit, pour la majorité depuis plus de trente ans. Et c’est ça qui est complètement dingue, parce que chaque séparation est vraiment hyper douloureuse, pour la Horde mais pour le lecteur.  Ces personnages sont vrais et profondément humains, certains tout cabossés par leur contre, d’autres passionnés à l’idée de trouver le sens de leur vie consacrée à cette immense épreuve.

L’univers est riche, profondément réfléchi, mais ce que j’ai adoré, c’est que le lecteur n’a que le nécessaire à sa compréhension. Il n’est pas noyé sous une foule de détails inutiles car les détails sont amenés en temps voulus. J’ai eu l’impression à ma lecture. J’ai trouvé assez exceptionnel le fait de les suivre en pleine nature mais que souvent, puisqu’on se retrouve avec les mêmes personnages tout le temps qui rencontrent finalement peu de monde à certains moments, j’avais l’impression d’être en plein huis-clos. On le suit dans ces épreuves, on apprend à apprécier la beauté de leur contre, le sens de leur geste, on est avec eux, dans la Horde. L’émotion est de plus en plus forte, si bien que je n’ai pas réussi à lever le nez des dernières cinquante pages avant d’arriver à la fin !

Le message est profond. À travers leur quête, on peut percevoir les thèmes tels que le lien, le groupe, la communauté qui est à la poursuite d’un sens à leur existence. La porté philosophique est aussi incroyable, on perçoit le parallèle que l’auteur fait entre le vent et la vie, surtout dans ces les deux dernières formes.

Le style, enfin, est très bien maîtrisé. Il s’adapte à chaque personnage, il manie les voix à la perfection. Son registre change, son vocabulaire également : il se met dans la peau du personnage. Cela donne un patchwork très intéressant et très immersif.

C’est pour conclure une aventure humaine bouleversante, un classique à avoir dans sa bibliothèque.

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