Écriture – Les déboires de l’écrivain architecte (1)
Vous en avez tous entendu parler des types d’auteurs, non ? Sinon, je vous renvoie à l’excellent article de Julien Hirt. Vous connaissez certainement l’architecte, le jardinier, et un peu moins l’explorateur. Et bien moi, je suis une architecte. (“Nooooon sans blague, on s’en serait pas douté au vu de ta série d’articles sur un roman que t’as même pas encore fini d’écrire !”)
Je me suis dis, au départ “Mais Co, pourquoi tu veux faire un article là-dessus ? Y’a plein d’autres gens qui en parlent sur leur blog, c’est vu, revu, ratavu” (pardonnez la dernière forme, c’est une expression familiale). Puis j’ai des amies (Floriane et Élodie pour ne pas les citer) qui m’ont incitée à le faire, au moins pour me faire plaisir. Alors tâdâââm ! Je me fais plaisir avec ce petit article ! Et j’espère que vous aussi !
1.La peur de l’imprévu
Y’en a qui adorent ça. Mais moi, j’ai énormément peur de faire des trucs pas prévus et qui cassent absolument toute l’harmonie de ce que j’ai planifié avant. Et pour cause : j’ai arrêté d’écrire Le Royaume emmuré parce qu’au fil de l’eau, j’ai ajouté des personnages (je vous ai déjà dis à quel point j’adorais construire des personnages ?), qui sont arrivés avec leurs problèmes et donc leur propre intrigue à construire et à mettre en valeur, et je me suis retrouvé avec un truc qui m’a dépassée. Pour arranger tout ça, j’ai dû faire une fin de premier tome qui ne me satisfait pas du tout et que je dois totalement remanier. Merci l’imprévu !
2.La peur de s’ennuyer
Oui, je sais, c’est complètement paradoxal avec ce qu’il y a au-dessus. Mais que voulez-vous… Quant on tombe dans l’excès inverse et qu’on planifie absolument tout, où est le plaisir d’écrire ? Je me suis retrouvée une fois, alors que j’écrivais encore des fanfictions, à avoir planifié toute une histoire sur 30 chapitres et… finalement je ne l’ai pas écrite. Pourquoi ? Parce qu’en vrai, je n’aurais pas pris plaisir à accoucher une nouvelle fois. Je m’explique : étant architecte, mon kiff total, il se passe en amont de l’écriture. J’aime par-dessus tout imaginer et construire, je peux passer des après-midis entiers avec un carnet, un crayon, et une tasse de thé pour carburant. L’écriture est juste un moyen de partager tout ça avec les autres. Mais finalement quand personne ne sait qu’on a une histoire en stock et quand personne ne l’attend, pourquoi je prendrais la peine d’écrire ?
Le compromis entre planifier et laisser un peu de place pour construire des petits détails et ne pas s’ennuyer pendant l’écriture est difficile à trouver.
3.Gérer l’inspiration
Bon, c’est pas forcément uniquement pour les architectes… Mais disons qu’avec le worldbuilding, ça empire. Personnellement, je suis une éponge. J’aime particulièrement regarder des documentaires archéologiques concernant des fouilles dans des lieux obscurs de la planète, montrant au monde des cultures complètement oubliées… Alors évidemment, ça me donne toujours des idées pour agrémenter mes mondes, voire carrément pour en construire un ! Cet été, j’ai visité le château de Bouges avec mon père et mon frère. Et bien, tout le long de la visite, au fur et à mesure des pièces visitées, des meubles, des anecdotes racontées par la guide, j’avais une histoire qui grossissait dans ma tête, une histoire qui se serait déroulée dans ce décor. Et quand on est architecte, il faut obligatoirement faire des recherches pour conforter son idée, trouver le bon nom pour chaque personnage avec la bonne signification, les bonnes sonorités…
4.Gérer le worldbuilding
C’est… compliqué. Oui j’adore construire. Oui j’aime par-dessus tout approfondir chaque morceau des sociétés que je fais naître. Mais est-ce que les lecteurs ont besoin de tout savoir ? Où est la limite entre incorporer des éléments de contexte et noyer le lecteur sous des masses d’informations ? Tout ça, il faut savoir le gérer dans l’écriture. Il faut savoir effacer un morceau de phrase, ou même une phrase entière, lorsqu’on se rend compte que c’est trop. Des fois, ça fait mal, mais c’est pour le bien de notre intrigue.
5.Se lancer
Je me souviendrais tout le temps de mon amie Claire, qui un jour m’a dit “Mais quand est-ce que tu vas écrire ?” J’étais en train de noircir un carnet depuis six mois, avec une bonne cinquantaine de pages remplies de notes et de recherches… Et encore, cette idée n’avait que six mois. Les Quatre Terres, cela fait tellement longtemps qu’elle mûrit dans ma tête que c’est presque effrayant de l’écrire et de m’en séparer. De la montrer aux autres, qu’elle soit jugée et critiquée. C’est assez dur, mais c’est le jeu. Les lecteurs ne savent pas qu’elle a une dizaine d’années de gestation… C’est compliqué de passer de l’idée, de la planification, à l’écriture. Parce qu’il faut faire face à cette peur, celle qui me secoue chaque fois que j’écris : est-ce que ce que je fais est aussi bien que je l’ai imaginé ?
J’espère que vous avez aimé me lire ! Et vous, quelles sont vos difficultés ?