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Chronique – Le phare au corbeau – Rozen Illiano

Auteur : Rozen Illiano
Editeur : Editions Critic
Collection : /
Parution : 2019
Pages : 382
Résumé de l’éditeur : Agathe et Isaïah officient comme exorcistes. L’une a les pouvoirs, l’autre les connaissances ; tous deux forment un redoutable duo.
Une annonce sur le réseau social des sorciers retient leur attention. Un confrère retraité y affirme qu’un esprit nocturne hante le domaine d’une commune côtière de Bretagne et qu’il faut l’en déloger. Rien que de très banal. Tout laisse donc à penser que l’affaire sera vite expédiée.
Cependant, lorsque les deux exorcistes débarquent là-bas, le cas se révèle plus épineux que prévu. Une étrange malédiction, vieille de plusieurs générations, pèse sur le domaine de Ker ar Bran, son phare et son manoir.
Pour comprendre et conjurer les origines du Mal, il leur faudra ébranler le mutisme des locaux et creuser dans un passé que certains aimeraient bien garder enfoui…

J’ai découvert ce roman car je suis son autrice sur Instagram, Onirography. Et quand je l’ai vu en traînant dans une librairie, j’ai craqué et je l’ai acheté.

On suit l’héroïne Agathe dans une chasse aux fantômes en Bretagne, chasse qu’elle mène avec son meilleur ami et associé, Isaïah. Les premiers chapitres prennent le temps de poser les personnages et leur façon de procéder : on apprend vite qu’Agathe dispose d’un pouvoir incomplet et qu’Isaïah, s’il a appris comment renvoyer les fantômes, compense son manque de pouvoir par son savoir. Le scénario est assez astucieux car on mêle trois époques différentes au cours de la lecture pour comprendre ce qui s’est passé sur le domaine de Ker ar Bran. Cependant, le scénario est aussi le point faible. Il y a finalement assez peu d’action car beaucoup de retours dans le passé et l’action présente ne donne pas l’impression d’avancer. Qui plus est, l’action est aussi ralentie par un point de style que j’aborderai plus loin.

Les personnages principaux sont bien travaillés et diversifiés autant ethniquement que sexuellement. Ça, c’est du bon ! Ce roman a le mérite de présenter Agathe, personnage principal bisexuel, et c’est une chose assez rare pour le mentionner ! Par contre, l’autrice passe énormément de temps à décrire son mal-être et ses mauvaises manies. Cela la rend réelle et vraie, même si j’avoue que ce personnage ne m’a pas touchée et m’a souvent agacée. Après, je sais que c’est un goût personnel et qu’Agathe est capable de toucher d’autres lecteurs. Hormis Agathe et quelques personnages, je retiens assez peu le caractère des autres. Les propriétaires du domaine par exemple, je ne les connais quasiment pas. Par contre, je connais très bien des personnages comme Alpha, l’oncle d’Isaïah et leur mentor avec Agathe. Personnage que l’on ne voit jamais apparaître dans l’intrigue…

L’univers est intrigant. Je ne peux pas dire qu’il soit bien développé : on sent que l’autrice en a sous le pied mais elle ne le livre pas entièrement dans ce roman. C’est aussi ce qui m’a longtemps tenue en haleine, car je suis curieuse et je voulais comprendre les ressorts de cet univers. Cependant, la fin est frustrante. Je ne peux pas vous la dire, évidemment, mais j’ai plus eu l’impression d’avoir un livre qui permettait s’ouvrir l’univers de l’autrice qu’une fin en soit. C’est très intéressant mais moi, j’ai acheté ce roman parce que c’était un volume unique. J’ai un peu l’impression de m’être faite avoir.

Le message est assez flou. Il y a beaucoup de choses sur la famille et l’amitié, mais ce qui permet à Agathe d’être complète relèvent de choses magiques qui dépassent notre monde. C’est assez bizarre et ça me donne l’impression que les choses qui peuvent résoudre notre mal-être ne font pas partie de notre univers. C’est un peu comme si la réponse à un enfant qui ne s’intègre pas à son école, c’est qu’il est sorcier et qu’il va aller à Poudlard.

Enfin, le style mêle les passages au présent d’Agathe, à la première personne, avec les passages à la troisième personne de personnages dans le passé. C’est assez intéressant dans la structure. Le style diffère d’ailleurs entre ces deux temps : si avec Agathe il est familier et sans prise de tête, il est davantage du registre courant avec les autres personnages, ce qui marque bien la différence. Mais le gros point noir du style selon moi, c’est le trop de tell. Si vous ne savez pas ce qu’est la différence entre le show et le tell en écriture, je vous renvoie ici pour le très bon article de Mécanismes d’histoire. Je n’ai pas pu m’empêcher d’en parler au moment du scénario et des personnages, car pour moi c’est un lourd problème qui se répercute un peu partout. L’autrice parsème les pages de moments où elle raconte : pour expliquer son lien avec Isaïah et la famille de celui-ci, elle revient dans le passé et raconte. Cela alourdit énormément l’action et cela ralentit le tout. Idem pour la sexualité d’Agathe : elle donne de nombreux indices sur Francesca, son ex, que l’on ne croise même pas. Et que dire d’Alpha, un personnage certes pilier pour son éducation magique, mais dont on ne voit pas l’ombre…

En conclusion, un roman assez agréable à l’univers apparemment fouillé mais dont on n’a que l’ébauche. Avec ses nombreux moments d’explications et de tell, cela donne plus l’impression d’une introduction que d’un roman en soit, ce qui le rend au final peu intéressant si on n’a pas envie de poursuivre l’aventure.

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