Chronique – Le Meilleur des Mondes – Aldous Huxley
Auteur : Aldous Huxley
Nous sommes dans un monde où la science, du moins ce qui est utilisé de la science, régit tout. Le monde est devenu un État mondial dont le triptyque sacré est “Communauté, identité, stabilité” (c’est toujours classe, les devises en trois mots). Last but not least, la stabilité est le ciment de cette communauté, c’est la base du bonheur. Car tous sont heureux : la vieillesse a été éliminée, la maladie aussi, la mort ne déchaîne plus d’émotions violentes, d’ailleurs tout ce qui peut déclencher des émotions violentes (amour, jalousie, haine) a été éliminé. Comment ? Toute la société, en tout cas la société civilisée loin des réserves où l’on a parqué les derniers “sauvages”, est organisée dès la naissance (enfin, “décantation”) pour que chaque individu ait un rôle à tenir, du plus petit être qui tient l’ascenseur au plus grand administrateur mondial. Alors que ce sont encore des embryons dans des éprouvettes, les futurs individus subissent différentes expériences pour les conditionner. Une fois décantés, leur conditionnement continue. Par diverses techniques, on leur apprend à se satisfaire de leur sort. Et si les émotions deviennent ingérables, il y a le soma, une drogue magique qui plonge dans une sorte de rêve sans douleur.
Pour que cette société fonctionne, plusieurs choses ont été sacrifiée : la liberté par exemple, et l’art. Celui qui ne rentre pas dans le moule, à l’exemple du personnage de Bernard, est voué à souffrir de sa différence et du regard que les autres y portent. Petite citation que j’ai beaucoup aimé :
“Le monde est stable, à présent. Les gens sont heureux : ils obtiennent ce qu’ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu’il ne pourront obtenir. Ils sont à l’aise ; ils sont en sécurité ; ils ne sont jamais malades ; ils n’ont pas peur de la mort ; ils sont dans une sereine ignorance de la passion et de la vieillesse ; ils ne sont encombrés de nuls pères ni mères, ils n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes ; ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent.”
Cette citation résume bien l’idée de ce roman, un monde qui n’est pas sans rappeler quelques petites choses qui se passe actuellement. Et rien que pour ce coup de génie, ce livre est à lire.
Le point faible, et l’auteur le dit bien dans sa préface de 1946, ce sont les personnages. Je n’ai pas vraiment réussi à entrer en empathie avec eux, je les ai trouvé ridicules pour certains, agaçants pour d’autres. Cependant, j’aime beaucoup les confrontations entre les mondes qu’ont voit à travers deux personnages. Tout d’abord Linda, une femme civilisée perdue par hasard dans une réserve sauvage et qui a dû s’adapter à ce nouveau mode de vie, et son fils John, qui a grandi parmi les sauvages et qui essaie de comprendre le monde civilisé. J’ai adoré voir la confrontation de ces deux cultures et les conflits que cela générait.
L’avantage : c’est un livre qui est facile à lire. Le premier chapitre est un peu spécial, parce qu’il faut suivre tout le processus de la décantation, mais une fois passé, cela se lit tout seul.
J’ai particulièrement aimé cette idée, et je pardonne les faiblesses que j’y ai décelées parce qu’après tout, l’essentiel est réussi. À lire !