Chronique – Le Chant d’Achille – Madeline Miller
Autrice : Madeline Miller
Il faut préciser que je l’ai lu… presque d’un souffle. J’ai été happée par l’histoire alors même que j’en connaissais la fin. C’était d’ailleurs un défi pour moi : est-ce que je vais pouvoir lire quelque chose dont je connais déjà le dénouement ? Car ce mythe, on le connaît tous, on connaît tous la colère d’Achille au moins parce qu’on l’a vu au cinéma ou à la TV sous les traits de Brad Pitt. Je vous explique pourquoi, pas une seule fois dans ma lecture malgré ce fait, je ne me suis ennuyée.
Déjà, comme le sous-entend le résumé de l’éditeur, le narrateur est Patrocle. Patrocle, on sait qu’il est proche du grand héros Achille et encore, cette proximité diffère selon les versions. Dans celle de Wolfgang Petersen, le peplum hollywoodien, Patrocle est le jeune cousin d’Achille. Dans celle de David Farr, la série Netflix (que j’ai regardé y’a un an mais pour laquelle je n’ai pas fait d’article, parce que pas le temps… alors que je l’ai adorée), ils sont amants. Madeline Miller, enseignante de grec et de latin de profession, a choisi d’opter pour cette version, que je trouve à titre personnel beaucoup plus intéressante. Je ne sais pas vous, mais hormis son lien avec Achille, je ne connaissais pas grand chose de Patrocle. Évidemment, ce n’est pas le héros dont tout le monde veut entendre parler, il s’étend sur lui l’ombre du grand Achille. C’est donc un défi de nous présenter ce mythe sous les yeux de ce presque inconnu.
Ce qui est encore plus intéressant, c’est que l’histoire ne commence pas avec Troie, elle commence bien avant. On suit Patrocle, exilé de chez lui, qui arrive à la cour de Pelée et qui y rencontre Achille, le prince qui est complètement différent de lui. On les voit adolescents devenir amis. On voit Achille à travers le regard de Patrocle, et ce regard évolue au fil des pages. On voit Achille, ce héros si puissant et furieux, adolescent, sensible, rieur, naïf et plein de confiance en soi et en les autres. J’admets que ce point peut être assez enquiquinant : c’est presque un Gary Stu tellement il est parfait. Mais moi, cela m’a fait du bien de le voir autrement qu’en guerrier. Cela le rend plus humain.
C’est une histoire d’amour entre deux adolescents qui essaient tant bien que mal de lutter contre la fatalité. L’autrice nous emmène au coeur de la Grèce antique, tant par les éléments culturels qui sont éparpillés dans son récit (décors, termes, traditions) mais aussi par la façon même dont son récit est mené. C’est une tragédie. Et pour ceux qui l’ignore, la tragédie grecque, plus qu’un genre au théâtre dont nous avons encore beaucoup de titres dans notre culture, c’est la lutte des héros contre le destin. Mais vous savez quoi ? Le destin gagne toujours. Et c’est ce qui arrive ici, bien sûr.
C’est néanmoins une très belle redécouverte, et on lit ce livre non pas pour savoir la fin, que l’on connaît déjà, mais pour le chemin qu’il nous fait prendre.