Chronique – L’Imagerie – Adrien Lioure
Editeur : auto-édition
Résumé de l’éditeur : L’Imagerie est un roman de science-fiction écrit par Adrien Lioure et mettant en scène Alix, jeune étoile montante du cinéma, qui apprend lors des dernières prises de son prochain film la mort de sa femme et de son enfant, Sophie et Max. Pour l’accompagner dans cette épreuve particulièrement douloureuse, Alix peut compter sur Dolorius, sa Souffrance. Il s’agit d’un être à l’origine des maux et des douleurs des hommes. Derrière chaque blessure, qu’elle soit physique ou psychique, une Souffrance est à l’ouvrage. Mais jamais Dolorius n’avait eu affaire à une douleur si aiguë, si inassouvissable. Il comprend vite que pour sauver Alix, il n’y a qu’un moyen. Lui rendre Sophie et Max. C’est ainsi que les deux personnages feront tout pour tenter de rejoindre L’Imagerie, lieu mystérieux et inconnu où finissent les âmes des défunts.
Le résumé m’a intriguée dès que je suis tombée dessus. J’aime beaucoup les histoires qui se concentrent sur la vie après la mort, mais là, ce n’était pas habituel. Je ne sais pas vous, mais dès le résumé, j’ai voulu creuser. Ce que j’ai fait en entamant ma lecture.
L’histoire débute avec le personnage de Dolorius, qui nous apprend très vite ce qu’il est, sa nature, son rôle : c’est une Souffrance, c’est-à-dire qu’il veille sur les humains confiés à sa charge en leur envoyant une dose de sa Dolormat pour les faire souffrir et les prévenir du danger, physique ou psychologique. Rapidement, il nous raconte le lien qu’il a avec Alix, un Cas de Souffrance Exceptionnel (abrégé en CSE).
Nous faisons alors un bond dans le passé pour nous retrouver avec Alix au moment où il perd sa femme et son fils. Alors qu’Alix refuse la mort des deux êtres qu’il aime le plus au monde, les événements vont le mener à rencontrer Dolorius, qu’il ne peut normalement pas voir, et lui demander son aide pour pouvoir arracher Sophie et Max de l’Imagerie, sorte de revisite du Paradis. Alix s’apprête à faire l’impossible par amour, par déni.
J’ai découvert un monde d’une grande inventivité, le tout dans un récit très bien structuré et ponctué d’un style léger. J’ai complètement adhéré à l’univers de l’auteur qui nous parle de sujets douloureux (la mort, la souffrance de ceux qui restent) avec une plume touchante et avec beaucoup de traits d’humour. Le tout sans prise de tête. C’est un coup de génie d’avoir réussi à mêler des sujets aussi sérieux avec une écriture aussi drôle. Qui plus est, le monde qui est décrit ici démontre une très grande imagination derrière les mots. J’ai vu un univers abouti, clairement expliqué au fur et à mesure du récit ce qui permet au lecteur de s’embarquer dans l’histoire tout en ayant les bonnes explications au bon moment. Une structure qui est donc pour moi très bien maîtrisée, que ce soit sur ce point ou sur l’action : on ne s’ennuie pas ! Vraiment ! On part d’un rebondissement à l’autre, d’une émotion à une autre, sans jamais être perdu et toujours en ayant l’impression de comprendre ce qui se passe, ce qui est vraiment très agréable.
Les personnages sont pour moi un vrai point fort. Adrien Lioure donne la parole à beaucoup d’entre eux, qui ont tous leur ton particulier et qu’on arrive tous plus ou moins à distinguer des autres. Il y a bien sûr Alix, Dolorius, mais aussi le portier 254-1 par exemple pour quelques chapitres. De multiples points de vues, qui pourtant ne nous perdent pas : ils enrichissent tous le récit de leur regard sur les événements, et surtout de leur personnalité. J’ai adoré la pétillante Soméphine qui m’a fait rire dans ses chapitres, très éloignée du lugubre Morice ou du très agité Docteur D !
C’est un roman qui pour moi est un éloge à l’imagination. Celle de l’auteur, en premier lieu, parce qu’il a réussi à construire tout un système de vie après la mort très détaché (mais pas entièrement) de ce dont on a l’habitude traditionnellement. J’ai rapproché le rôle de la Souffrance à celui d’un ange gardien par exemple, mais c’est un rôle assez inédit. De façon très mature selon moi, la douleur sert à protéger, on apprend d’elle. La souffrance n’est pas nocive, elle est expérience. Il fallait y penser, je trouve ! La sorte de Paradis qui y décrite n’a rien d’un ensemble de nuages apaisant, non : on y parle d’îles, rattachés à des racines, il a des airs d’hôtel de luxe mêlé à une grande entreprise, avec ses ascenseurs, ses grooms, ses étages, ses portes, tout le personnel qui y travaille… Plus largement, l’auteur parvient à montrer dans son roman que l’imagination humaine est toute puissante et capable de réaliser de grandes, très grandes choses… mais je n’en dis pas plus, puisque je n’ai pas envie de vous gâcher le plaisir de le découvrir par vous-même ! Moi qui adore rêver, imaginer justement, j’y ai été très sensible.
Un très bon roman, qui aborde des sujets douloureux avec humour et intelligence et qui permet de plonger dans l’imagination débordante de l’auteur, le tout structuré de manière à ne jamais nous perdre trop loin. C’est une lecture facile, que je conseille à tous, même aux jeunes adolescents, pour qu’ils puissent se familiariser avec des questions dures le tout sans même y penser, tellement la plume est légère. Et hop ! Sur ma liste de livres papiers à me procurer !